PHONÉTIQUE ET GRAMMAIRE COMPARATIVES POUR L’ENSEIGNEMENT DE L’ALLEMAND DANS LES ÉCOLES PRIMAIRES ET SECONDAIRES DE LANGUE FRANÇAISE (PRÉAMBULE)*
Dans l’enseignement des langues, même la méthode directe est souvent en même temps plus ou moins comparative et pré- ventive. En général, le maître ne s’attardera pas longtemps aux faits de la langue étrangère qui sont semblables à ceux de la langue maternelle des élèves. Des personnes de langue fran- çaise n’ont pas de peine à imiter la prononciation de mots aile- mands comme Schal et voll, parce que les faits phoniques de ces mots existent en français dans châle et folle. Le maître insistera davantage sur des mots comme kann, Tee, Pol en fai- sant bien entendre le souffle par lequel se terminent les con- sonnes initiales de ces mots, afin de prévenir que les élèves ne les prononcent comme les mots français canne, thé, pôle. Mais il ne saurait trop insister sur la force de l’accent d’intensité si caractéristique de l’allemand, parce que le français n’a pas d’opposition d’accent comparable à celle qui existe entre über- setzen “passer” ou “faire passer de l’autre côté” et übersetzen “traduire.” Dans les cas où les élèves ont presque tous le même parler maternel, le professeur de langues devrait donc non seulement pratiquer et connaître la langue qu’il enseigne et le parler maternel des élèves avec ses particularités locales, mais encore être conscient des ressemblances et des diffé- rences entre les deux langues. Il devra faire assimiler avec un soin tout particulier les faits de la langue étrangère qui n’existent pas ou guère dans le parler maternel ou qui en dif- fèrent, afin que les élèves n’y Substituent pas des faits voisins propres à leur parler à eux. Aussi la première et la troisième et dernière partie de cette étude exposeront-elles dans Tordre inductif les principaux faits phoniques et grammaticaux aile- mands qui n’ont pas d’équivalent exact en français. D’autre part, comme dans nos écoles primaires et secondaires les élèves apprennent la langue étrangère non seulement avec l’aide du maître, mais encore avec un manuel, ils ont tendance — malgré toutes les précautions de leur professeur — à se lais- ser influencer par les imperfections de l’orthographe et à lire les conventions orthographiques de l’allemand à la manière de celles du français. Aussi la seconde partie de ce travail examinera-t-elle les rapports entre la prononciation et l’or- thographe.
* Cahiers Ferdinand de Saussure 16 (Genève: Librairie Droz, 1958- 1959), pp. 33-34.