SIGNIFICATIONS ET VALEUR DU SUFFIXE VERBAL FRANÇAIS –e-*
1. Valeur et signification
A plusieurs reprises, Saussure fait une distinction expresse entre valeur et signification. Le passage le plus explicite est celui qui se lit dans l’introduction au deuxième cours (CFS, 15, 1957, p. 49): «La valeur, ce n’est pas la signification. La va- leur est donnée par d’autres données; elle est donnée, en plus de la signification, par le rapport entre un tout et une certaine idée (R /... le rapport avec d’autres idées G), par la situation réciproque des pièces de la langue (R /... des pièces d’échecs G).»
Dans l’étude pénétrante qu’il a faite de la pensée de Saussure, M. R. Godel a examiné cette distinction; malgré l’affirmation péremptoire de Saussure, il conclut qu’elle est illusoire: «Si Saussure, comme il semble, a cherché une double dénomination du signifié correspondant à celle de l’entité linguistique, on comprend ce qu’il entend par valeur; mais il suffit de poser l’équation:
pour que !,inutilité des mots sens, signification saute aux yeux.))1
Je ne pense pas que cette équation, explicitée, page 247, en ces termes: «les valeurs sont aux termes ce que les signifiés sont aux signes », corresponde à la pensée de Saussure pour qui signifié et signifiant, pris isolément, ne sont que des abstrac- tions, ainsi dans la comparaison avec une feuille de papier (CFS, 15, p. 24): «On ne peut découper le recto d’une feuille sans le verso. On ne peut prendre Pun des deux que par abs- traction.» Par valeur, au contraire, Saussure entend une en- tité linguistique «concrète » (au sens saussurien de «ressenti par la conscience des sujets parlants»; Godel, op. cit., p. 257, sous concret ); ainsi CFS, 15, page 26: «La véritable nature de ces unités [...], c’est d’être des valeurs. Ce système d’unités quest (qui estR) un système de signes est un système de valeurs.» à est clair que Saussure n’aurait pas parlé d’un système de signifiés; l’équation juste est:
terme = valeur = signe
les trois mots connotant la même entité linguistique considérée sous des angles différents: terme en tant que pièce d’un système, valeur par rapport à ses possibilités sémantiques, signe, par rapport à sa structure interne à double face, signifié et signifiant.
A l’appui de son interprétation, M. Godel cite la phrase suivante, tirée du dernier chapitre du troisième cours: «urtei֊ len, erachten ont un ensemble de significations qui ne coïncident qu’en partie avec fr. juger, estimer», qu’il commente ainsi: «Elles ne coïncident pas, précisément parce qu’elles sont des valeurs.» Pourtant, il est impossible de remplacer ici significations par valeurs ou signifiés : urteilen et erachten n’ont chacun qu’une valeur et qu’un signifié; de plus, Saussure ne dit pas que les significations ne coïncident pas, mais qu’elles «ne coïncident qu’en partie» avec les mots français.
Au début du même chapitre (Godel, op. cit., p. 236), Saussure dit: «Là où il y a des termes, il y a des valeurs. L’idée de valeur est toujours impliquée dans celle de termes. Il sera toujours difficile de se faire une idée déterminée de l’idée de valeur.2 Valeur devient ici synonyme de sens, signification, et cela indique un autre terrain de confusion, davantage dans les choses elles-mêmes. La valeur est bien un élément du sens.3Mais il importe de ne pas prendre le sens, d’abord, autrement que comme une valeur. <11 est> très difficile de voir comment le sens reste dépendant, et cependant distinct, de la valeur, mais cela est nécessaire, si on n’en reste pas à la conception de la langue comme une nomenclature.»
Cette dernière phrase me paraît importante pour comprendre la pensée de Saussure; on sait combien il a combattu cette conception simpliste de la langue; or, pour la dépasser, il est nécessaire, selon lui, de distinguer sens (= signification) et valeur; la distinction est certainement authentiquement saussurienne.
Faudrait-il, par contre, identifier signification et signifié? On pourrait sans doute relever plusieurs passages où le premier terme tient la place du second, par exemple CFS, 15, page 24: «Le signe est double: mais il est clair qu’il s’agit ici d’une première ébauche de terminologie remplacée ensuite par les termes plus précis de signifiant et signifié. Toutefois, comme nous l’avons déjà relevé, dans l’expression «un ensemble de significations», on ne pourrait substituer signifiés à significations: urteilen, erachten n’ont chacun qu’un signifié; ils ont pourtant «un ensemble de significations». La signification serait donc un élément du signifié. Est-ce bien là ce que pensait Saussure? Quoiqu’il n’ait nulle part examiné particulièrement le phénomène de la polysémie, cela ne me paraît pas douteux: il est nécessaire, dit-il, de distinguer entre valeur et sens (signification) si la langue n’est pas une pure nomenclature. Or si signifié et signification s’identifiaient, nous aurions un nombre donné de significations à chacune des- quelles s’accolerait un signifiant comme une simple étiquette; on ne pourrait parler que d’un système de classement, non d’un système de valeurs se déterminant réciproquement. Mais si la langue est un système de valeurs, si c’est de la valeur que dépend le sens, cela signifie que c’est la valeur, entité purement virtuelle, qui permet la manifestation, dans le discours, de significations diverses mais qui toutes dépendent des rapports qu’elle entretient avec les autres valeurs du système. D’une valeur donnée peut découler un nombre indéterminé de significations; c’est l’ensemble des significations qui se manifestent dans le discours qui représentent le signifié. La polysémie n’est pas un phénomène exceptionnel, elle est inhérente à la nature même de la langue. Dans un passage du deuxième cours, dont l’allure paradoxale est bien dans la manière de Saussure, on lit ceci (CFS, 15, p. 22): «Si par impossible on n’avait choisi au début que deux signes, toutes les significations se seraient réparties sur ces deux signes. L’un aurait désigné une moitié des objets et l’autre, l’autre moitié.»4
Comment se distinguent les différentes significations d’un même signifié, Saussure ne l’a pas dit explicitement, sans doute parce que la chose va de soi: c’est évidemment les rapports syntagmatique s, dans le discours, qui font apparaître, à chaque fois, la signification voulue. C’est pourquoi, bien que le système des valeurs soit différent d’une langue à l’autre, la tra- duction reste possible: la répartition des significations entre les signes est différente, mais celles-là peuvent toujours se manifester dans un contexte approprié: dans tondre un mouton et manger du mouton, nous avons pour un même signe deux si- gnifications que l’anglais répartit entre deux signes, sheep et mutton.
Ce n’est pas la valeur qui se réalise dans la parole, mais les significations. L’inventaire en est relativement facile à établir en observant les faits de parole; c’est ce que font les bons dictionnaires pour le vocabulaire et les bonnes grammaires pour les mots grammaticaux, les suffixes, les désinences. La grande difficulté est de remonter des significations à la va- leur; il faudrait, pour délimiter exactement la valeur d’un terme, connaître celles des termes qui l’entourent dans le système: il y a cercle. Pour tenter de le briser, on en est réduit à opérer avec les signifiés; or, le signifié n’est, suivant l’ex- pression de Saussure, «que le résumé de la valeur linguistique» (Godel, op. cit., p. 276, sous signifie ), ce que j’interprète ainsi: la somme des significations réalisées n’épuise pas le potentiel sémantique de la valeur.
2. Significations du suffixe verbal -e-5
Le suffixe -ç- entre dans la composition de quatre séries de syntagme s verbaux: l’imparfait, le plus-que-parfait, le conditionnel présent et le conditionnel imparfait. Comme à l’im- parfait il ne se combine qu’avec le radical verbal et la désinence, c’est là qu’il sera le plus facile d’en saisir les significations, mais les autres temps devront aussi être considérés.
L’inventaire des significations de l’imparfait a été fait par Damourette et Pichon6 avec beaucoup de minutie et une grande abondance d’exemples. Nous ne retiendrons ici que les plus typiques.
a) Il indique que l’événement se situe dans le passé:
(Un enfant se souvient de la fête de Noël.) Il était là, le petit arbre.
L’indication du passé, en effet, ne résulte ni de la situation, ni des rapports syntagmatique s; si le présent est inadmissible, le futur est parfaitement possible: l’enfant indiquerait qu’il pense au Noël prochain. On peut donc dire que l’imparfait signifie le passé en l’absence de rapports syntagmatique s faisant apparaître une autre signification.
b) Il indique que l’événement est supposé:
Si elle avait été là, elle était tuée.
Une seconde de plus, le coup partait.
L’événement supposé se situe ici dans le passé; il peut également se situer dans le présent ou le futur:
Si j’avais eu deux points de plus, j’entrais à l’école de Lyon et j’étais médecin militaire à l’heure actuelle.
C’est la robe que je mettais pour aller chez Le Sénéchal; alors, si tu la défais! (C’est le dimanche suivant que Mme JL doit aller chez Le Sénéchal).
Le syntagme si x imparfait, en proposition indépendante et avec une intonation particulière, exprime diverses nuances affectives (suggestion, souhait, regret, etc.) et l’événement sup- posé se situe dans le présent ou le futur, jamais dans le passé:
Si nous allions danser?
Si j’étais roi !
Si encore ça servait à quelque chose !
Le même syntagme, en proposition subordonnée et en relation avec un conditionnel de la principale, exprime une hypothèse; l’événement supposé se situe dans le présent ou le futur:
Si j’étais riche, j’aurais une auto.
c) Il indique une référence à une pensée ou une parole an- térieure au moment de la parole:
Vous lui avez dit que j’étais là?
Je savais que vous étiez là.
Ils feignirent d’abord de le prendre en riant: Je plai- santais.
L’événement peut se situer dans le futur:
Qu’est-ce qu’elle a dit qu’on mangeait demain, Jeanne?
Il faut enfin rappeler ici l’imparfait hypocoristique, où le parleur n’exprime pas sa propre pensée, mais celle qu’il attribue à son interlocuteur:
(On montre une flamme à un enfant de sept mois) C’était joli!
Plus-que-parfait. Le radical de l’auxiliaire, en se combinant avec le suffixe -ç-, peut indiquer l’antériorité par rapport à un événement passé:
Chaque fois que j’allais chez lui, il était sorti.
C’est là une de ses significations les plus courantes, mais il peut aussi indiquer simplement un passé accompli, par rapport au moment de la parole:
Je n’y avais jamais été auparavant.
C’est-à-dire avant maintenant. De même:
Je vous l’avais bien dit.
Il peut indiquer un événement supposé, mais seulement là où l’idée d’antériorité ou d’accomplissement est admissible; par exemple, il n’indiquera pas une suggestion (si nous allions danser?), mais fort bien un regret:
Si j’avais su!
L’événement se situe souvent dans le passé, mais le pré- sent et même le futur ne sont pas exclus:
Si j’avais fait fortune, je me retirerais des affaires.
Cela ne signifie pas: si j’avais fait fortune antérieurement, mais: si ma fortune était faite maintenant, si l’événement supposé était accompli maintenant. Situation dans le futur:
Si jamais j’avais fait fortune, etc.
Le plus-que-parfait, enfin, peut aussi indiquer une référence à une pensée antérieure, l’événement supposé se situant dans le passé, le présent ou le futur:
Vous lui avez dit que j’étais sorti?
(Il viendra demain) Si vous lui disiez que j’étais sorti?
Conditionnel présent. Combinant le suffixe - ę- avec le suffixe -r- du futur, quand il est en rapport avec une hypothèse exprimée ou non, irréalisable ou non, il indique la conclusion de l’hypothèse:
Si j’étais riche, j’aurais une auto.
Ce serait admirable! (Si cela s’était réalisé ou se réa- lisait une fois).
— Après quand «même si», l’hypothèse est elle-même ex- primée par le conditionnel:
Quand vous me haïriez, je ne m’en plaindrais pas.
-Dans une interrogative, un événement supposé présent, de la réalité duquel on s’enquiert:
Serait-il malade?
— Une référence à une parole ou une pensée antérieure:
Elle m’a dit qu’elle viendrait.
J’ai téléphoné à Harari; il était aux abonnés absents, il rentrerait à trois heures (m’a-t-on dit).
— Un événement passé, mais postérieur à un autre événe- ment passé:
Ce matin, il était très impressionné parce qu’il irait à la Morgue.
Cet emploi est fréquent chez les historiens:
Ce Blanchard, ayant trahi une fois, trahirait encore.
Du point de vue des témoins du premier événement, le second ne peut être que pronostiqué.
-Le conditionnel ludique indique un pur jeu de l’imagination:
Je serais l’Arabe et tu serais le chameau.
Conditionnel imparfait. On le trouve dans des positions analogues, dans la mesure où le contexte admet une signification d’antériorité ou d’accomplissement:
Si j’avais été riche, j’aurais eu une auto.
L’événement peut se situer dans l’avenir:
Si j’avais de quoi m’établir, dans dix ans j’aurais fait fortune.
— Référence à la pensée d’un tiers:
L’ennemi aurait battu en retraite.
— On ne le trouve guère (du moins je n’en ai pas relevé d’exemple) pour indiquer un événement passé postérieur à un autre événement passé; une phrase comme:
Ce Blanchard, ayant trahi une fois, aurait encore trahi
signifie, par exemple, qu’on a pris des mesures pour l’empê- cher de trahir encore; l’événement est purement supposé. Toutefois une phrase comme celle-ci semble tout à fait concevable:
Il se préparait à trahir, mais on ne s’en apercevrait qu’après qu’il aurait trahi.
où il aurait trahi est postérieur à il se préparait et antérieur à on s’en apercevrait.
De cette rapide revue il ressort que les significations de nos quatre temps peuvent se grouper sous trois chefs:
a) Ils peuvent situer l’événement dans le passé.
b) Ils peuvent indiquer un événement supposé; la situation de l’événement dans le temps n’est pas indiquée par le suffixe.
c) Ils peuvent indiquer une référence à une pensée antérieure au moment de la parole; la situation de l’événement dans le temps n’est pas non plus indiquée par le suffixe.
3. Valeur du suffixe verbal -e-
Pour confronter nos quatre temps avec ceux qui les entourent de plus près, nous choisirons à dessein un contexte aussi simple que possible pour éviter des rapports syntagmatique s trop complexes.
A la question: Quel temps fait-il ce matin? on peut répondre:
Il neige; il a neigé; il neigera; il aura neigé.
On ne peut pas répondre:
Il neigeait; il avait neigé; il neigerait; il aurait neigé.
Quel est l’élément commun qui caractérise la première série de temps et l’oppose à la seconde? C’est, je crois, ceci: qu’ils se réfèrent tous à un événement en relation avec le mo- ment de la parole: pour il neige c’est clair; pour il a neigé, l’événement est accompli, mais le parleur peut encore voir la neige sur le sol; pour il neigera, l’événement n’est pas encore réalisé, mais le parleur peut le pronostiquer, d’après l’état de l’atmosphère; pour il aura neigé, ce qu’a vu le parleur lui fait croire probable une chute de neige antérieure. Les quatre temps se réfèrent à la situation actuelle du parleur. Si les quatre temps de la seconde série sont impossibles, c’est qu’ils se réfèrent à d’autres situations: il neigeait, il avait neigé répondraient, par exemple, à la question: Quel temps faisait-il quand tu es sorti?Il neigerait, il aurait neigé. à la question: Quel temps dit-on qu’il fait en Angleterre? On pourrait donc donner au suffixe -ę- l’étiquette d’inactuel, au sens de «qui ne se réfère pas à l’actualité du parleur, au moment de la parole».7
M. L. Hjelmslev enseigne que dans un système linguistique «il n’y a que des oppositions entre A d’un côté et A + non - A de l’autre»,8 c’est-à-dire qu’il s’agit toujours d’une relation d’in- elusion. Sans discuter la question de savoir si ce type d’oppo- sition est le seul que connaisse la langue, il faut reconnaître qu’il y joue un rôle de première importance et il semble bien que la relation entre nos deux classes de temps soit de ce type. En effet, le présent peut se substituer à un temps du passé: c’est ce qu’on appelle le présent narratif. Le parfait ne s’emploie pas seulement pour indiquer un événement dont les conséquences durent encore; on peut dire: hier il a neigé, même si la neige a fondu; le futur dit des historiens se réfère à un évé- nement passé:
Jusque-là les Grecs avaient vécu dans des quartiers séparés, sortes de «concessions» analogues à celles que les Européens recevront en Chine jusqu’au siècle dernier.
On peut donc poser entre nos deux classes la relation:
actuel inactuel9
A l’intérieur de l’inactuel, l’imparfait se substitue au con- ditionnel: ... le coup partait «serait parti», ... j’étais médecin «je serais médecin». Après si hypothétique, l’imparfait est seul admis; nous avons là, comme l’a indiqué M. F. Kahn,10 un cas de «neutralisation», c’est-à-dire une position où les deux signes ne peuvent pas être opposés; or c’est toujours celui qui occupe la position de neutralisation qui inclut l’autre. On peut donc poser:
imparfait conditionnel
Pour l’opposition imparfait : plus-que-parfait, je ne con- nais pas de cas aussi net de substitution. Toutefois, entre deux phrases comme:
(A midi) j’avais marché depuis le matin / je marchais depuis le matin
la seule différence est que dans la première l’antériorité de l’événement, par rapport à midi, est expressément signifiée, dans la seconde elle n’est qu’implicite; mais il est clair que dans les deux cas la marche est antérieure à midi; on peut donc dire également que l’imparfait peut se substituer au plus-que- parfait et poser la relation:
imparfait plus-que-parfait
Le plu s-que-parfait, après si hypothétique, occupe la position de neutralisation de l’opposition plus-que-parfait : contitionnel imparfait, il inclut donc ce dernier:
plus-que-parfait conditionnel imparfait
Pour l’opposition conditionnel présent : conditionnel impar- fait, le cas est le même que pour celle de l’imparfait en face du plus-que-parfait. Soit les deux phrases:
(Si j’avais de quoi m’établir) en dix ans j’aurais fait for- tune / en dix ans je ferais fortune
on voit qu’ici encore la seule différence est que l’antériorité est signifiée explicitement dans la première, implicitement dans la seconde. Mais dans les deux cas l’événement s’accomplit dans le laps de temps compris entre le moment de la parole et le terme de dix ans. Nous pouvons donc poser pour nos quatre temps les relations suivantes:
ce qu’on pourrait illustrer par le schéma suivant:
Conclusion
La valeur du suffixe -ę- est 1’«inactuel»; il indique que l’événement signifié par le radical verbal est en dehors de l’actualité du parleur au moment de la parole. De là découlent les diverses significations de l’imparfait. Il se combine soit avec le radical de l’auxiliaire, qui indique 1’«accompli», soit avec le suffixe -r- qui indique le «pronostiqué», soit avec tous les deux; de là les significations du plus-que-parfait et des deux conditionnels.
Il ressort de là que le système du verbe français n’est pas construit sur l’idée logique ou psychologique de temps. Les diverses notions temporelles que les syntagmes verbaux sont aptes à indiquer relèvent des significations et non des valeurs.
Notes
1R. Godel, Les sources manuscrites du Cours de linguistique généraie de F. de Saussure, Genève, 1957, p. 242.
2Ainsi D; M. Godel corrige: de <la> valeur.
3«Elément ne doit en tout cas pas s’entendre au sens de partie composante, mais plutôt de facteur (ce qui produit), source (ce dont procède qqch)», Godel, op. cit., p. 236, note 359.
4Voir encore Godel, Sources manuscrites, p. 245 s.; les «valeurs plus étroitement circonscrites» sont précisément les significations.
5Nous prenons la forme -ę- comme représentant des variantes combinatoires du suffixe.
6J. Damourette et E. Pichon, Essai de grammaire de la langue française, V, pp. 175-246; nous leur empruntons la plupart de nos exemples; d’autres sont empruntés à H. Frei, Le livre des deux mille phrases, Genève, 1953; quelques-uns sont de nous.
7Damourette et Pichon, op. cit., V, pp. 166 ss., posent un «taxième d’ACTUALITE, qui oppose les tiroirs NONCAUX je fais, je ferai, j’ai fait, j’aurai fait aux tiroirs TONCAUX je faisais, je ferais, j’avais fait, j’aurais fait ». Mais pour eux, actualité signife «durée vécue»: A l’ac- tualité présente, celle du moi-ici-maintenant, celle qui est en train de se vivre, s’opposent ainsi toutes les actualités, les unes centrées sur un autre être, les autres éventuellement à venir, les autres passées, qui ne sont pas celles de moi-maintenant, et dont le caractère de durée n’est qu’évoqué; les phénomènes non présentifiés, mais actualisés, ressor- tissent tous à l’expression par le toncal». Mais alors, comment le futur, par exemple, peut-il se ranger sous le «taxième d’actualité»? page 169, il se range sous le «taxième le plus abstrait, le plus sèchement intellectuel», à savoir «l’énarration»; et comment peut-il appartenir au «noncal» et non au «toncal»?
8La catégorie des cas, p. 102.
9C’est-à-dire: l’actuel inclut l’inactuel.
10Le système des temps de l’indicatif, Genève, 1954, p. 42.
*Cahiers Ferdinand de Saussuve 18 (1961), pp. 5-15.