“A Prague School Reader in Linguistics”
La Structure Phono logique du Lexique du Tchèque Moderne*
Contribution à la phonologie comparée.
I. La méthode de l’analyse phonologique, qui se conquiert une place importante dans la linguistique moderne, nécessitera encore bien des réflexions avant de se fixer à un degré de finesse et de compréhension suffisantes. Il appert dès aujourd’hui qu’il faudra attaquer le problème de la caractérisation phonologique de plusieurs côtés. On peut, comme le montre l’article du prof. Troubetzkoy et comme l’avait déjà exposé le prof. Sapir dans sa dissertation sur les « sound patterns » (Language l/l925, pp. 33 sqq. ), étudier un système phonologique dans la composition et les rapports réciproques de ses termes. Mais on peut aussi étudier le répertoire des éléments phonologiques à titre de matériaux fonctionnels et se préoccuper de l’emploi particulier qui en est fait dans le courant du discours ou dans le lexique. Les résultats de ces différentes méthodes se compléteront, confirmeront ou corrigeront mutuellement. C’est de leur emploi combiné seulement que résultera la car actérisation phonologique complète d’une langue étudiée.
Dans l’étude phonologique, il s’agit surtout de caractériser au point de vue phono logique une langue donnée à un stade déterminé de son évolution. C’est seulement en partant de coupes de ce genre que l’on pourra passer aux problèmes historiques, à la question de l’évolution et de la parenté mutuelle des différents systèmes. La caractéristique phonologique nécessite donc, comme la caractéristique linguistique en général, surtout les méthodes de la synchronie et de la comparaison de structure. Dans l’article qui va suivre, je me borne en conséquence au tchèque cultivé d’aujourd’hui tel qu’il se présente dans une prononciation soignée, et j’ai recours comme terme de comparaison, parmi les langues européennes non slaves connues, en première ligne, surtout Ճ l’allemand dans la prononciation du sud. Pour l’étude du lexique, je fais entrer en ligne de compte tous les mots courants composés d’un et de plusieurs sons jusqu’k quatre inclusivement. Je laisse de côté les noms propres et je réserve une place à part aux interjections, comme ayant dans leur structure phonologique, en qualité d’onomatopées ou de mots affectifs, leurs écarts particuliers. J’espère voir les résultats auxquels j’aboutis complétés non seulement par l’analyse des mots de plus de quatre sons, mais encore par la comparaison analogique du tchèque avec les principales langues slaves.
II. Les matériaux de la phonologie consistent en des éléments phonologiques fondamentaux appelés phonèmes, c.-à-d. des sons (simples ou composites) qui ont une valeur fonctionnelle, et en des éléments phonologiques modificateurs, c.-à-d. des qualités des sons (ou séries de sons) qui ont elles-mêmes une valeur également fonctionnelle. Il est évident que ne figurent pas au nombre des phonèmes les sons qui ne font que se substituer ci un phonème dans une position phonétique particulière et qui n’ont pas par eux-mêmes de signification fonctionnelle, par ex. en tchèque la nasale vélaire r), la vélaire sonore g et l’affriquée sonore dž. Plus difficultueuse est la question de savoir s’il faut faire entrer dans le système phonologique d’une langue donnée les sons originairement inusités dans la langue, mais y ayant pris racine jusqu’à un certain point sous l’influence des mots étrangers empruntés. Mais ici de même on peut ordinairement constater que le son dont il s’agit ne participe pas aux différences phonologiques et, partant, n’appartient pas au système phonologique. Tel est le cas, par ex., de la diphtongue au en tchèque moderne. Le changement de k en g, surtout au voisinage de liquides, qui se produit en tchèque populaire uniquement dans les mots étrangers (par ex. krém, cirkus, bicycl, balkon, plakat), alors que dans les mots autochtones к demeure dans toutes les positions — à l’exception de la prononciation de mots kdo, kde, kdy, — une pure sourde (comp. avec les mots étrangers cités ci-dessus les mots tchèques suivants: krev, pírko, vynikl, pálka, plakat), montre bien qu’il existe une sorte de conscience d’une différence entre les éléments indigènes et étrangers. Les mots entrés depuis longtemps dans la langue ne s’y distinguent naturellement plus de ceux qui sont propres Ճ celle-ci, par leurs éléments phonologiques, mais ils continuent parfois encore Ճ s’en distinguer par des groupements inusités de phonèmes. Comme on l’a déjà indiqué ci-dessus, les interjections sont aussi parfois exclues par leurs groupements particuliers de phonèmes des habitudes phonologiques pratiquées dans une langue donnée.
III. Les éléments phonologiques fondamentaux se divisent, Ճ leur tour, en sonantes et consonantes. Les termes de chacun de ces deux groupes constituent pour nous les matériaux dont les mots sont composés et, partant, nous allons d’abord nous informer de leur structure. En tchèque, au nombre des éléments fon damentaux, on trouve quatorze sonantes1 et vingt-quatre consonantes2; les deux groupes sont l’un par rapport à l’autre dans la proportion de 58 : 100. Quand on considère que l’allemand comporte quatorze sonantes et vingt-deux consonantes, soit une proportion de 64: 100, l’anglais vingt sonantes et vingt-quatre consonantes, soit une proportion de 83: 100, et le français seize sonantes et dix-neuf consonantes, soit une proportion de 84: 100, il est tout к fait évident que le répertoire des phonèmes tchèques est caractérisé par la prédominance des consonantes sur les sonantes. Cette assertion se trouve renforcée lorsque l’on tient compte de la composition, dans chacune des langues considérées du répertoire des sonantes. En français, le répertoire entier des sonantes se compose de voyelles simples (je laisse de côté le difficile problème des diphtongues dites croissantes), alors qu’en tchèque, sur quatorze sonantes, il n’y a que cinq voyelles simples, soit seulement un tiers environ, — les neuf autres sonantes comprenant trois consonnes sonantes et six diphtongues décroissantes. Ces six diphtongues décroissantes ne sont d’ailleurs pas de même nature. Ainsi que cela ressortira ultérieurement de leur emploi structural, il n’y a de véritable diphtongue en tchèque que ou, les autres diphtongues étant plutôt, au moins dans le langage soigné, une fusion occasionnelle d’une voyelle avec la consonne j_appartenant à la même syllabe, et se scindant par suite facilement en deux sons hétérosyllabiques. La nuance fortement consonantique du second élément de ces diphtongues, sur laquelle les phonéticiens attirent l’attention, est frappante. Par contre, c’est un trait important de la structure phonologique du tchèque que les sonantes r et 1 forment même des syllabes toniques. Le répertoire tchèque des sonantes apparaît donc, vis-à-vis de celui du français, plus pauvre quant Ճ l’étendue de sa gamme, plus rude à cause du rôle important qu’y joue l’élément consonantique, et moins précis par suite de la présence de diphtongues. Sur les vingt sonantes de l’anglais, il y a neuf voyelles simples, trois consonnes sonantes et huit diphtongues décroissantes; sur les quatorze de l’allemand, il y en a, respectivement, huit, trois, et trois. De plus, ni en anglais ni en allemand une consonne sonante ne peut constituer une syllabe accentuée. Ces deux langues germaniques ont donc une gamme de voyelles plus riche que celle du tchèque, tout en ne s’égalant pas au français. L’une et l’autre langue possèdent, comme le tchèque, des consonnes sonantes, mais avec moins de possibilités structurales. Le répertoire des véritables diphtongues décroissantes est plus considérable dans ces deux langues qu’en tchèque (en tenant compte de ce qui a été dit ci-dessus sur les diphtongues du tchèque). La comparaison avec ces langues fait ressortir la pauvreté du système vocalique du tchèque, mais en même temps aussi la précision relativement grande de sa gamme peu étendue.
La nature du répertoire des consonantes des langues considérées présente plus d’uniformité, mais cependant elle établit entre le tchèque d’une part, avec l’anglais et l’allemand, et le français d’autre part, un certain contraste. Les dix-neuf consonantes du français sont des consonnes simples, tandis que sur les vingt-quatre du tchèque il y en a deux affriquées, sur les vingt-quatre de l’anglais deux également et sur les vingt-deux de l’allemand trois. Le nombre proportionnel de consonantes a déjà été pris en considération dans les explications sur les sonantes, et, quant à une caractérisation plus détaillée du répertoire consonantique des langues en question, l’occasion se présentera ci-dessous de la faire.
IV. Parmi les éléments phonologiques modificateurs, le plus caractéristique du tchèque est la quantité. Toutes les voyelles tchèques simples se présentent en couples longue-brève; même dans les couples où autrefois la différence quantitative s’était changée en une différence qualitative, les mots étrangers empruntés ont rétabli l’existence de la différence de quantité (par ex. pour le couple о — 6: chor — chór, borovy — bárovy), et, en outre, les différences de quantité sont tout aussi importantes dans les syllabes atones que dans les syllabes accentuées. C’est ainsi seulement qu’ont pu naître des séries comme, par ex. : námaha, namáhá, — kaly, káli, kalf, kálí”, — myli, mfli, mily, mylii. Enfin il y a lieu de remarquer à quel point en tchèque les différences de quantité influent sur les différences de sens. La différence entre voyelle brève et voyelle longue n’est pas seulement, en tchèque, un moyen de différencier de simples vocables par ailleurs entièrement différents comme par ex. ceux du couple ràda et rada, mais elle sert aussi à la différenciation dans la formation des mots, c.-à.-d. à différencier deux formations ayant la même base, par ex. celles du couple honici et honici, et à différenciation morphologique, c.-ä.-d. Ճ différencier différentes formes d’un même mot, comme par ex. celles des couples: bosa — bosá, vrele — vrelé, poli — polf, pili — pili”, roku — roku, domu — domu.
Dans les langues qui nous servent de termes de comparaison, le contraste le plus aigu avec le tchèque est constitué à cet égard par le français: la différence de quantité en valeur fonctionelle n’y apparaît avec quelque netteté que pour l’une de ses nombreuses voyelles (e) et ce dans un tout petit nombre de mots (voir Jespersen, Lehrbuch der Phonetik, p. 83). L’allemand et l’anglais utilisent la quantité, en valeur fonctionnelle, plus que le français, mais cependant dans des proportions bien moindres que le tchèque. Dans les deux langues en question, les différences de quantité sont limitées Ճ la syllabe accentuée et, si en allemand elles portent sur les sept voyelles qui peuvent se trouver sous l’accent, elles ne portent en anglais que sur trois d’entre elles, ou sur quatre si l’on considère comme une différence purement quantitative celle qui existe entre les syllabes toniques de couples comme gutter — garter, cut — cart. En outre, en anglais, les différences de quantité sont accompagnées de différences qualitatives considérables, et également la quantité effective est dans une grande dépendance par rapport Ճ la consonne suivante, ce qui fait naturellement beaucoup perdre au caractère expressif des correspondances existant entre les termes des différents couples. En dernier lieu, il faut mentionner que ni l’allemand ni l’anglais ne vont aujourd’hui, dans l’utilisation des différences de quantité, au- delà des différenciations simplement lexicales. Les anciennes différences quantitatives qui avaient aussi, en anglais, une fonction de différenciation morphologique, n’existent dans la langue actuelle qu’en projection qualitative (par ex. meet-met). Les relations nées de ce fait doivent être constatées pour que la car actérisation phono logique soit complète, quoique leur valeur propre n’apparaisse que lors de la réunion de l’étude phonologique avec l’étude de la formation des mots et celle de la morphologie. En tchèque, les relations de même genre nées de la projection qualitative d’anciennes différences quantitatives sont les suivantes: о — ù, u — ou, e (ë) — i. La différence de quantité des voyelles est, pour le tchèque, un élément modificateur véritable, c.-à.-d. que c’est un changement, à valeur fonctionnelle, de l’aspect du phonème, qui ne fait pas passer celui- ci, dans la conscience linguistique, Ճ un phonème différent. Pour les éléments modificateurs dont il sera question plus loin, la situation sera autre. Il s’agira non de l’aspect modifié d’un seul et même phonème, mais plutôt d’une différence, Ճ valeur fonctionnelle, entre des phonèmes proches l’un de l’autre et associés l’un à l’autre dans la conscience linguistique. Le premier de ces éléments modificateurs non proprement dits, en tchèque, est la différence entre consonne molle et dure. Cette différence intéresse trois couples de consonnes: t/t’, d/d’, n/n’, auxquels on peut ajouter un quatrième couple, celui de r/f. L’importance de cette différence ressort de l’usage qui en est fait pour les différenciations de sens. De même que la quantité, on utilise en tchèque ladite différence des consonnes non seulement pour de simples différenciations lexicales, par ex. dans les couples: dyky —dfky, lany — lani, sfty — siti, rfpou — ripou, mais aussi pour des différenciations dans la formation des mots, par ex. dans les couples letner — letnf, ranf — ranni”, berny — bernf, obecny — obecnf, et pour des différenciations morphologiques, par ex. dans les couples: hady — hadi, katy — kati, påny — pani, kmotry — kmotïi, chorf — chofi”. A ces couples se rattachent orthographiquement les couples s/S, z/2, c/C, qui toutefois ne constituent pas, dans la prononciation tchèque moderne, des séries différenciées par le caractère mou de l’un des termes. Ces couples de sifflantes et chuintantes ont aussi en tchèque un rOle fonctionnel important, car outre la différenciation lexicale (par ex. dusi — duãf, dráze — dráZe, серу — беру), ils contribuent Ճ la différenciation morphologique (par ex. knëze — knëZe, otce — otie, chlapce — сЫарбе). Dans les langues prises comme terme de comparaison, l’amollissement des consonnes ne se présente pas comme élément modificateur. On n’y trouve que les couples de sifflantes et chuintantes et encore, par comparaison avec le tchèque, en moins grand nombre et avec une valeur fonctionnelle plus limitée. En allemand, on ne trouve que le couple s/§, ainsi qu’en anglais, car le coup!e z/2 n’a pas de valeur significative; en français les couples s/š, z/z, n/n, n’ont de fonction différenciatrice que dans le lexique et ce dans un petit nombre de cas.
Si le tchèque l’emporte sur les langues que nous lui comparons pour ce qui est de la différence de quantité et le caractère mou des consonnes avec valeur fonctionnelle, il passe au contraire à l’arrière-plan pour l’élément modificateur dont nous allons parler, à savoir la différence du caractère sonore et sourd des consonnes. Pour ce qui est de l’importance fonctionnelle de cette différence, on trouve deux pOles dans les langues prises comme terme de comparaison, d’une part le français avec l’anglais, et d’autre part l’allemand. En français et en anglais, la différence de sonorité est également importante partout, que ce soit au début du mot, au milieu ou Ճ la fin; elle porte, en anglais sur sept couples de consonnes, en français sur six. En outre, dans l’une et l’autre langue, l’utilisation fonctionelle de ladite différence va au-delà de la différenciation lexicale, qui est abondamment représentée surtout en anglais, pour servir à la différenciation dans la formation des mots (par ex. angl. advice — advise, etc.) et Ճ la différenciation morphologique (par ex. angl. build — built, etc. , franc, vif — vive, etc.). En allemand au contraire, la différence fonctionnelle de la sonorité des consonnes, — ou la différence qui la remplace dans la prononciation allemande, — est complètement éliminée à la fin du mot et est presque insignifiante au début du mot. Elle disparaît complètement pour le couple s/z et ne se présente avec quelque netteté que pour le couple f/v. Au milieu du mot même elle a peu d’importance, elle s’y limite à trois couples seulement, avec des exemples peu nombreux. Il ne s’agit d’ailleurs toujours que de différenciations purement lexicales. Le tchèque est sur ce point à peu près à mi-chemin entre les deux pôles étudiés. La différence fonctionnelle de la sonorité des consonnes n’y existe pas non plus à la fin du mot, et l’utilisation de cette différence n’y va pas non plus au-delà de l’utilisation lexicale. Par contre, la différence de sonorité porte en tchèque sur sept couples — en comptant parmi ceux-ci la corrélation h — x —, figure dans de nombreux exemples et est aussi nette au début qu’au milieu du mot.
Les autres éléments modificateurs dont l’existence se laisse constater dans les langues prises comme terme de comparaison, n’intéressent pas le tchèque et n’ont par conséquent, pour la ca- ractérisation de sa structure phonologique, qu’une importance toute négative. C’est d’abord la différence entre le degré plein et le degré réduit des voyelles, différence qui est très nette surtout en anglais et ce dans le son différent du suffixe adjectif et verbal -ate en fonction de facteur différenciateur dans la formation des mots. En allemand, la différence en question n’est que faiblement représentée en tant que facteur fonctionnel; quant au français, il l’ignore aujourd’hui autant que le tchèque. En connexion avec cette différence de plénitude des voyelles, on trouve aussi en anglais, comme facteur différenciateur dans la formation des mots, la différence de place de l’accent, et ce dans le groupe des mots que la place de l’accent caractérise comme étant de la classe des substantifs ou de celle des verbes. La place de l’accent a une valeur fonctionnelle également en allemand, avec une limitation analogue au groupe des verbes composés à préfixe séparable ou inséparable. Le français et le tchèque ignorent cet élément modificateur.. Enfin, en français, on trouve, en fonction d’élément modificateur, la possibilité ou l’impossibilité, pour tout mot commençant par une voyelle, de se lier avec la consonne finale du mot précédent (par ex. les Stres — les hêtres, les auteurs — les hauteurs). Ceci ne se présente dans aucune des autres langues considérées. En tchèque, il peut y avoir des cas օե le coup de glotte joue le rôle d’élément modificateur, par ex. dans le couple suäuj — s’uàuj (respectivement: tourmente! et rétrécis!). L’importance de cet élément modificateur en tchèque ne peut bien entendu se comparer à celui que joue le même élément en danois par exemple. Il ne s’agit là, comme pour les autres faits mentionnés dans ce paragraphe, que d’un phénomène sporadique.
V. On a donné dans les deux chapitres précédents un tableau comparé des éléments phonologiques qui sont Ճ la disposition du tchèque moderne. Mais il a déjà été observé que l’inventaire phonologique peut être étudié aussi au point de vue de la formation des mots et Ճ celui de la morphologie, et qu’on peut se demander quels procédés phonologiques sont employés dans telle ou telle langue pour la différenciation des formations de mots et des formes grammaticales. Si l’on ne veut pas que la caractérisation phonologique du lexique tchèque moderne soit sommaire, il faut répondre à la question qui vient d’être posée.
D’une manière générale, on peut dire que la différenciation des formations de mots et des formes grammaticales se fait à l’aide, soit d’une variation des éléments phonologiques du mot sans modification de son volume phonique, soit d’une simple modification de ce volume phonique par l’addition ou la suppression de sons, soit enfin d’une combinaison de ces deux procédés. Le système phonologique n’est d’ailleurs intéressé que par la variation appartenant au premier type, ou par sa participation au type troisième. Le changement de la structure phonologique du mot sans modification de son volume phonique peut à son tour porter soit sur le radical, soit sur les parties accessoires du mot, et il peut être effectué à l’aide de mutations intéressant soit les éléments fondamentaux, soit les éléments modificateurs, soit les uns et les autres à la fois. En appliquant ces principes à l’anglais moderne, on constate qu’il ne s’y rencontre pour ainsi dire que des changements affectant le radical, et ce surtout des alternances complètes de voyelles (dans les verbes: drink, drank, drunk; dans les substantifs: foot, feet, man, men), ou des différences de quantité transformées en différences de qualité (meet, met). L’une et l’autre variations s’associent également à une modification du volume phonique (dans les verbes: keep, kept; dans les substantifs: brother, brethren). La variation des éléments phonologiques dans les parties accessoires du mot ne se produit en anglais que dans des limites étroites et n’intéresse que les consonnes (looks — looked; loves — loved). En outre, la différenciation dans la formation des mots se fait aussi en employant la différence de plénitude de l’élément voyelle (suffixe -ate en valeur nominale et verbale), la différence de place de l’accent (présage — presage) et la différence de sonorité des consonnes [use (subst.) — use (verbe)]. Ce changement, qui n’intéresse jamais dans cette valeur que la fin du radical, est mis en œuvre aussi dans le système morphologique (build — built). En français, au contraire, le changement complet de phonème voyelle affecte surtout la partie accessoire du mot (aimons, aimez, aimais, aima, aimant; rompons, rompez, rompais, rompis, rompu, rompant), et 1Ճ même օէւ il y a changement complet de phonème voyelle du radical, cette variation prend souvent le caractère d’une variation affectant la partie accessoire et combinée avec une modification du volume phonique (animal, animaux, beau, belle). Outre cela, on trouve bien entendu Cci et là en français des changements complets de phonème voyelle du radical, par ex. : je fais — je fis, je meurs — nous mourons, je peux — je pus — je pouvais. Parmi les éléments modificateurs, on voit s’employer, dans cet ordre d’idées, surtout la différence de sonorité des consonnes (vif, vive) et aussi, un peu, la palatalisation (sec, sèche). Ces deux changements intéressent la fin de mot. L’allemand est naturellement tout proche de l’anglais, mais sans le recouvrir. Là aussi, c’est un fait très important que le changement complet de l’élément vocalique du radical (trinken, tranken, tränken; Tochter — Töchter), mais on le rencontre aussi dans les parties accessoires (Affé, Affen; trinke, trinken; Geiste, Geister), etle changement de radical y est un simple fait d’accompagnement plus souvent qu’en anglais (Kraft — Kräfte). Parmi les éléments modificateurs, le déplacement de l’accent joue un rôle sporadique (durchbrechen — durchbréchen). Le tchèque l’emporte encore sur le français par l’usage abondant qu’il fait de la simple alternance des éléments phonologiques dans les parties accessoires du mot, et ce qu’il s’agisse des verbes (par ex. nesu, nese, nesou, nesa, nesi) ou des noms (par ex. stfela, stfely, stfele, stfelu, stfelou). Le changement complet d’élément phonologique dans le radical se trouve rarement seul (par ex. pouâtën — puâtën, stfelf — stffli), mais est le plus souvent une modification d’accompagnement (par ex. Jan — Jene, vede — vodf, pusti — pouãtf, hodf — házf, kûfl — konë). Parmi les éléments modificateurs, on fait grand emploi de la différence de quantité, et ce dans les parties accessoires du mot d’ordinaire comme fait autonome (par ex. píãi — pfãf, bosa — bosá), avec diphtongaison (nesu — nesou, rybu — rybou), tandis que c’est un simple fait d’accompagnement dans le radical, à peu près toujours (ex. bråna — branou, sila — silou, draze — dráZe, pomyslf — pomyglf, zasadí” — zasázf). Outre la quantité, on voit aussi servir d’élément différenciateur dans la formation des mots et dans la morphologie le caractère mou des consonnes. Celui-ci affecte naturellement le radical, mais seulement dans sa fin, de sorte que ce changement ne se distingue pas nettement des changements affectant la terminaison (katy — kati, et autres exemples cités au chapitre précédent). Il y a lieu de souligner qu’une certaine importance dans la morphologie et parfois aussi dans la formation des mots apartient Ճ la correspondance consistant dans la différence de caractère mou ou dur transformée (par ex. hochy — hoãi, vrahy — vrazi, byky — byci). De même que les différences quantitatives transformées en différences de qualité ont abouti, à côté des couples quantitatifs actuels tels que e — é, o—o, u—u, à des relations parallèles telles que e — i (ej), o—ú, u—ou, de même, les différences de caractère mou transformées ont donné lieu, à côté des couples actuels tels que с — 2, z — 2, Ճ des couples parallèles tels que à — à, 2; h (x) — z, 2; à—S. Par 1a se trouve considérablement multiplié en tchèque le nombre des variations possibles dont il est fait usage pour les combinaisons de variations. L’existence de ces combinaisons, qu’elles soient sans modification du volume phonique ou qu’elles comportent pareille modification, est aussi caractéristique du tchèque, par rapport aux langues du type représenté par l’anglais et le français, que, par rapport aux langues du type de l’anglais et de l’allemand, la concentration des variations phonologiques importantes au point de vue du sens dans la désinence ou dans la fin du radical du mot.
VI. Dans les trois paragraphes précédents, les éléments de structure qu’on peut trouver dans les mots tchèques ont été étudiés. L’étude de la structure du mot tchèque qui suit sera limitée, comme on l’a dit dans les paragraphes d’introduction, aux mots de quatre sons au plus, et l’allemand seul sera pris comme terme de comparaison. On doit noter en outre que, lorsqu’un même mot a plusieurs formes de même longueur, il ne sera tenu compte que d’une seule de ces formes, en cas de simple changement de désinence sans modification du radical. Ainsi, les formes ryba, ryby, rybu, rybou ou encore vedu, vede, veda, vedou, vedl ne compteront que pour seule unité dans le nombre des mots tchèques de quatre sons. Toute modification du radical accompagnant le changement de désinence sera compté pour une unité nouvelle, par ex. ruce en face de ruka, etc., peCe en face de peku, etc. Cette règle sera observée uniformément pour les mots tchèques et les mots allemands, seulement elle sera appliquée plus souvent dans l’analyse des premiers que des seconds, le tchèque ayant des variations de désinence plus fréquentes, comme on l’a déjà constaté, que l’allemand. Malgré cela, le nombre des mots à considérer comme unité indépendante relevés en tchèque est d’un sixième supérieur au nombre trouvé pour l’allemand (environ 2800 mots tchèques contre 2400 mots allemands, soit une proportion approximative de 54 : 46). П est important de constater en même temps que la différence relevée en faveur du tchèque comporte plus de mots monosyllabiques que des mots dissyllabiques, la proportion étant pour chacune de ces catégories, respectivement, de 56,5: 43,5 et de 52:48. La tendance plus forte du tchèque au monosyllabisme s’exprime avec éloquence dans le nombre des mots relevés pour les types les plus simples de monosyllabes, c.-à-d. pour les types composés d’une seule consonne et d’une seule voyelle; dans cette catégorie, nos exemples sont au nombre de soixante-dix à peine pour l’allemand, tandis qu’ils sont une bonne centaine pour le tchèque. Mais même en tchèque, la tendance au monosyllabisme est loin d’être aussi accentuée qu’en anglais et en français, օե le nombre des mots de cette catégorie approche de deux cents. Il faut aussi réfléchir que, d’après la prononciation courante, le monosyllabisme est en progrès en tchèque (mit en face de miti, sed’ en regard de sedl, etc.), ainsi qu’en allemand (hab’ vis-à- vis de habe: datif Berg en regard de Berge, etc.). Si l’on demande quel rapport un état morphologique différent peut avoir avec le plus grand monosyllabisme du tchèque, on trouve que l’écart est le plus frappant entre les deux langues comparées dans la déclinaison des substantifs, oïi le tchèque utilise dans deux cas, celui du type ryba : ryb et celui du type mèsto : mëst, un procédé entièrement étranger à la déclinaison allemande, à savoir une réduction du volume phonique du substantif qui change un mot dissylabique en mot monosyllabique. Pour les adjectifs, l’avantage est plutôt du côté de l’allemand, la forme prédicative des adjectifs monosyllabiques y apparaissant aux trois genres et aux deux nombres, et y étant de plus identique à la forme de l’adverbe (schön), alors qu’en tchèque la forme nominale des adjectifs monosyllabiques n’existe qu’au masculin singulier (bos, rád). Dans les verbes, on a des impératifs et des prétérits monosyllabiques des deux côtés (ber : nimm, bral:nahm), il n’y a guère qu’au participe passif qu’on peut trouver un léger avantage en faveur du tchèque (brån: genommen).
Au total, dans les deux langues considérées, pour les mots composés de un à quatre sons, on a relevé, sur un nombre maximum de trente combinaisons possibles, vingt types de structure. Ce sont, en désignant par a la sonante et par b la consonante, les types ci-après: 1. a (tch. a, all. Ei); — 2. b (tch. k, ail. 0); — 3. aa (tch. 0, all. Aue); — 4. ab (tch. on, ail. Eis); — 5. ba (tch. to, all. da); — 6. aab (tch. 0, all. Auen); — 7. aba (tch. оkо, all. eine); — 8. baa (tch. 0, all. baue); — 9. bba (tch. sto, all. drei.); — 10. bab (tch. set, all. dir); —11. abb (tch. úst, all. ist); — 12. abab (tch. otec, all. alles); — 13. baab (tch. neui, all. Bauer); — 14. baba (tch. duby, all. habe); — 15. bbaa (tch. 0, all. blaue); — 16. abba (tch. osma, all. Erde); — 17. abbb (tch. 0, all. eilst); — 18. babb (tch. kost, all. lobt); — 19. bbab (tch. pták, all. droht); 20. bbba (tch. sklo, all. Stroh). Ne sont pas représentés les combinaisons bb, aaa, bbb, aaaa, aaab, aaba (ail. Eiern?), abaa (sauf dans des mots étrangers, aloe), baaa, aabb.
Cette simple énumération fait déjà ressortir deux choses. Premièrement, l’aversion du tchèque pour les hiatus. D’ailleurs, l’allemand non plus ne les affectionne pas spécialement. Mais, même étant donné que le nombre des mots ayant une structure Ճ hiatus n’atteint pas cent dans les limites de notre examen, il y a lieu de tenir compte qu’ils représentent cinq types (aa, aab, baa, baab, bbaa), et que le groupe formant hiatus ou se trouve dans le radical, ou est dû à l’addition d’un suffixe voyelle à un radical terminé lui-même par voyelle. En tchèque, au contraire, je n’ai pas même compté dix mots ayant une structure à hiatus, tous appartiennent au type baab, et le groupe formant hiatus ne fait dans aucun d’eux partie du radical, mais se produit par la composition d’un préfixe terminé par voyelle avec un radical commençant lui-même par une voyelle. En outre, on a toujours la possibilité d’insérer le coup de glotte entre les deux voyelles qui se suivent; quelquefois aussi celles-ci peuvent se fondre en une diphtongue. Le cas, relativement fréquent en allemand, de diphtongue formant hiatus avec voyelle simple, n’a pas été relevé par moi en tchèque.
Le second point qui ressort de l’énumération des types de structure est l’aversion du tchèque pour l’accumulation des consonnes à la fin de syllabe. C’est ce que montre le fait que le type abbb n’est pas du tout représenté dans les mots examinés. Mais une étude détaillée de ce point ne se contente pas du simple tableau des types, elle regarde de près le nombre des mots relevés. Le résultat en est très instructif: il montre que, pour les types terminés par un groupe de deux ou de trois consonnes (abb, abbb, babb), le tchèque ne compte même pas cent mots (de un à quatre sons), alors que l’allemand en compte près de cinq cents. Un fait complémentaire du précédent est la constatation que le tchèque affectionne beaucoup plus que l’allemand les groupes de consonnes au début du mot. Pour les types comme bba, bbaa, bbab, bbba, on trouve en tchèque plus de quatre cents mots (de un à quatre sons), contre à peine plus de cent cinquante en allemand. C’est là aussi une différence très accentuée, quoique moins que celle des groupes de consonnes à la fin de syllabe.
En considérant les chiffres obtenus comme résultat de la comparaison effectuée, on constate encore une tendance structurale générale du tchèque vis-à-vis de l’allemand. Le résultat d’ensemble donné par tous les types examinés, et en particulier ceux donnés par les types à deux et trois sons font clairement ressortir que le tchèque a jusqu’à un certain point de l’aversion pour les mots commençant par sonante. Les types aa, ab, aab, aba, abb comptent en allemand 136 mots sur 560 à deux et trois sons, soit environ 25,2%, alors qu’en tchèque on n’a que 74 mots de ces types sur 897, soit une proportion de 8,2%. Pour les mots de quatre sons, la proportion passe en faveur du tchèque, avec 11,3%, contre 7,2% seulement en allemand. Il s’agit ici visiblement, non pas d’une modification de la règle, mais seulement d’une utilisation plus intensive des possibilités existantes. Le facteur décisif a été sur ce point un état particulier de la formation des mots et de la morphologie tchèque, qui a donné pour le type abab 135 exemples dans cette langue, contre 47 seulement en allemand. Les mots de ce type se forment en tchèque en nombre considérable du fait que les préfixes o- et u- s’ajoutent à des monosyllabes: à l’impératif (ex. osol, usuš), au prétérit (ožil, uãel), au participe passif (oset, uãit), ou dans des formations substantivales (ex. ovar, ú2es). L’allemand ignore ces formations. Qu’il ne s’agit ici réellement que d’un écart fortuit de la règle, c’est ce que montre encore une autre chose. Dans tous les types on voit maintenu ce fait important que le tchèque n’admet au début du mot qu’une petite partie seulement de ses sonantes, alors que l’allemand se montre beaucoup plus libéral. En laissant de cCté les mots de caractère interjectionnel, comme inu, ejhle, ouha, les mots du tchèque écrit enregistrés par nous ne commencent, à l’exception d’un cas unique avec ou- (ougko), que par a (13 mots), о (120 mots) et par u (142 mots), tandis qu’en allemand les mots considérés offrent au commencement, en des proportions inégales, 10 voyelles simples et diphtongues. Ce sont les types suivantes: initiale a. (69 mots), e (64 mots), i (21 mots), о (28 mots), u (13 mots), Ö (10 mots), O (8 mots), ai (36 mots), au (10 mots), oi (6 mots).
VII. L’utilisation des matériaux phonématiques dans la structure des mots est encore à d’autres points de vue différente en tchèque de ce qu’elle est en allemand. Voyons d’abord les autres possibilités dans l’utilisation des sonantes. Il n’y a pas en tchèque de différence principielle, pour l’emploi des sonantes entre syllabes accentuées et syllabes atones. Dans les unes comme dans les autres on emploie treize sonantes sur les quatorze citées au début de cet exposé; m en qualité de sonante est en général très rare, et, dans les mots oli il figure, il n’y figure pas en dehors des syllabes non accentuées: (sedm, sedmnáct). Les différences que l’on peut constater en tchèque, pour l’emploi des sonantes, entre les syllabes accentuées et les syllabes atones ne sont donc, à part l’exception insignifiante qui vient d’être signalée, que des différences de degré. En allemand au contraire, il y a une différence de principe à cet égard entre les deux sortes de syllabes. Dans les syllabes accentuées, on ne trouve que dix des quatorze sonantes de l’allemand, Ճ savoir sept voyelles simples (a, e, i, o, u, O, tl) et trois diphtongues (ai, au, oi), tandis que la voyelle réduite э et les consonnes syllabiques 1, r, n, — et seulement ces quatres sonantes — ne figurent que dans les syllabes inaccentuées. Ce n’est que dans des mots simples isolés (Uhu, Oheim) et dans des mots composés (Eiweiss, Aufbau, etc.) ainsi que dans les mots — peu nombreux dans nos matériaux — formés par le suffixe -ig (Essig, eisig, etc.), que l’on voit paraître une autre sonante en allemand en syllabe non accentuée. Cette égalité de puissance structurale des syllabes en tchèque et leur inégalité en allemand ressortaient déjà des possibilités diverses d’utilisation de la quantité des voyelles dans l’une et l’autre langues, et elles ont une conséquence dans l’importance inégale des variations de désinences. Il faut bien entendu souligner qu’en tchèque la syllabe atone est toujours posttonique, et qu’en allemand ce qui vient d’être dit des syllabes inaccentuées ne s’applique qu’aux syllabes également posttoniques. Car bien qu’en allemand les syllabes atones comportent une énorme majorité de syllabes posttoniques, il y a aussi dans cette langue des mots, indigènes et étrangers acclimatés, avec l’accent sur la seconde syllabe et partant avec syllabe atone prétonique: dans ce dernier cas, la limitation signalée plus haut de l’utilisation des voyelles n’est pas applicable (ex. Armee, Lackei, allzu, dabei, etc.).
L’utilisation structurale des sonantes jette aussi une lumière instructive sur la nature diverse des diphtongues tchèques. Au commencement du mot, la diphtongue est, comme on l’a déjà dit, une exception tout à fait rare dans la prononciation soignée du tchèque (parmi tous les mots examinés par nous l’unique mot ouãko). En toute autre position, on trouve sans doute représentées toutes les diphtongues figurant dans l’énumération des phonèmes, mais il y a une différence essentielle, quant à la fréquence, entre la diphtongue ou d’une part et les diphtongues en -j d’autre part. La première se rattache par sa fréquence aux autres voyelles normales du tchèque, puisqu’elle figure dans les mots examinés ici en syllabe accentuée après consonne 113 fois, ce qui la place, au point de vue de la fréquence, à l’avant- dernier rang, mais toujours bien loin avant la sonante 1. Les différentes sonantes accusent, respectivement, les chiffres suivantes: a 551, e 526, i 485, о 316, u 263, r 133, ou 113, 1 34. Pour les diphtongues en -j, les chiffres sont beaucoup plus bas: aj 26, ij 25, ej 22, oj 22, uj 15. Pour l’allemand, nous savons déjà que toutes les diphtongues s’y trouvent au début du mot, et, lorsque l’on considère le nombre des sonantes en syllabe accentuée après consonne, on constate que toutes les diphtongues prennent rang tout à fait parmi les autres voyelles. Voici les chiffres: a 408, e 317, i 292, о 257, u 209, ai 201, au 143, a 112, oi 69, ö 64. La différence est encore plus frappante lorsque l’on considère à part les syllabes ouvertes et les syllabes fermées. L’allemand connaît sans doute aussi des écarts dans la fréquence des différentes diphtongues dans l’une et l’autre sorte de syllabes, mais ces écarts ne sont pas tels qu’ils aient besoin d’une explication particulière. En tchèque au contraire, s’il n’y a pas de différence sensible pour ou, les diphtongues en -j accusent un écart sensible d’emploi en syllabe ouverte ou fermée. En syllabe ouverte, leur fréquence est assez grande, mais en syllabe fermée elles ne figurent pour ainsi dire pas. Sur plus d’un millier de syllabes fermées toniques après consonne, uj et ij ne figurent pas même une seule fois, oj et ej figurent chacune une fois et ej deux fois. Quand on réfléchit qu’en allemand, sur neuf cents syllabes analogues, on trouve aj 79 fois, au 51 fois et oi 16 fois, la différence est certainement frappante. Il en résulte que les diphtongues allemandes sont réellement des phonèmes, alors qu’en tchèque les diphtongues en -j ne sont que des groupements fortuits de voyelle + consonne j en une seule syllabe. Il s’agit régulièrement d’un groupe terminant le radical, les membres de celui-ci se contractant en une diphtongue lorsqu’ils se trouvent à la fin de mot (type ba ou a-ba, parfois aussi ba-ba; ex. haj, uhaj, nehaj) ou devant une partie accessoire du mot se composant d’une consonne et d’une voyelle (type ba-ba, ex. hajny). Mais quand un semblable radical est suivi d’une partie accessoire commençant par voyelle, le groupe résultant se partage en deux syllabes diverses, en perdant naturellement toute allure de diphtongue (ex. hajf). On est donc ici en présence d’un fait de phonologie morphologique formative plutôt que de phonologie proprement dite. On trouve le même caractère en tchèque au groupe je, qui alterne, pour des raisons de formation des mots, avec i et représente par conséquent, du point de vue de la phonologie morphologique, une unité de groupe.
VIII. C’est aussi l’utilisation structurale des consonnes qui est à plusieurs égards différente en tchèque et en allemand. Les deux langues concordent en ce que la différence dans la sonorité des consonnes n’a pas dans ces langues de valeur phono logique Ճ la fin des mots. Ceci signifie qu’à la fin du mot, dans l’une et l’autre langues, on trouve confondus en un phonème unique les couples de consonnes b/p, d/t, v/f, z/s, h/x, et, en outre, en tchèque d’/t’, 2/ã, en allemand g/k. De plus, j ne figure, ni dans l’une ni dans l’autre des deux langues, comme consonne indépendante к la fin de mot, y faisant toujours partie d’une diphtongue, véritable ou de groupement. Le tchèque n’utilise donc à la fin de mot que 16 des 24 phonèmes consonantique s, c.-à-d. les deux tiers, l’allemand 15 des 22 phonèmes consonantique s, c.-à-d. à peu près deux tiers. Mais si les deux langues concordent ainsi, étonnamment, dans l’utilisation des phonèmes bonsonantiques à la fin de mot, il y a entre elles deux une différence sensible touchant leur utilisation au début des mots. Le tchèque emploie au commencement des mots les 24 phonèmes consonantique s qui sont à sa disposition, l’allemand 18 seulement sur 22. Les consonnes x et tã ne se rencontrent en allemand à l’initiale que dans les mots étrangers, il n’y a pas de différence entre z et s au début des mots, et la nasale vélaire g ne s’y rencontre pas du tout. A l’intérieur du mot également, le tchèque utilise librement, entre voyelles, tous les phonèmes consonantique s, tandis que l’allemand n’utilise jamais, dans cette position, j au moins dans les mots germaniques, et h y paraît dans un seul de tous les mots étudiés (Oheim). On peut donc dire que le tchèque non seulement possède un répertoire de phonèmes consonantique s plus étendu que l’allemand (24:22), mais utilise aussi plus librement ce répertoire dans les différentes positions.
L’utilisation plus intensive des consonnes en tchèque se traduit aussi par l’aptitude de cette langue ‘å combiner lesdites consonnes en groupes. Les deux langues comparées, le tchèque et l’allemand, sont toutes les deux favorables, dans l’ensemble, aux groupes de consonnes, ce qui ressortirait particulièrement bien d’une confrontation avec le français, mais dans les détails, il y a entre les deux langues considérées de grosses différences. Au commencement du mot, donc dans les types bba, bbaa, bbab, nos matériaux accusent en tchèque 141 combinaisons diverses de deux consonnes, et en allemand 19; à la fin de mot, soit dans les types abb, babb, ces deux chiffres sont respectivement de 16 et de 35. Le début et la fin de mot sont diversement favorables dans les deux langues aux groupes de consonnes, conformément à ce qui en a déjà été dit ci-dessus, mais ce n’est pas le seul point qui frappe dans les chiffres mentionnés. Il y a lieu d’abord de s’arrSter au chiffre global des groupes de consonnes relevés dans l’une et l’autre langues. En tchèque, on trouve, au début et Ճ la fin du mot, dans nos matériaux, en tout 157 groupes divers de deux consonnes, contre 54 seulement en allemand. Il est évident qu’il s’agit là d’ime aptitude différente à combiner les consonnes en groupes. Cette constatation est corroborée par un autre fait, Ճ savoir la grande différence qu’il y a également dans le nombre des types de combinaison représentés. Ainsi, au début du mot, on n’a en allemand que deux types représentés par un assez grand nombre de combinaisons, Ճ savoir le type occlusive + liquide (ex. bl, br, dr, etc., en tout 9 combinaisons) et le type fricative + liquide (ex. fl, fr, etc., en tout 4 combinaisons). Les autres types n’ont qu’un ou deux représentants chacun: ce sont les suivants: affriquée + fricative (tsw), fricative + occlusive (Sp, St), fricative + nasale (ím, §n), fricative + fricative (ãv). En tchèque sont représentés surtout, — et pour la plupart fortement, — les types inexistants en allemand : occlusive + occlusive (bd, cp, et, etc., en tout 12 combinaisons), occlusive + nasale (čm, čn, dm, etc., en tout 13 combinaisons), liquide + occlusive (lk, lp, rd, etc., en tout 7 combinaisons), liquide + fricative (lv, lz, 12, etc., en tout 7 combinaisons), h + consonne quelconque (hl, hn), ou inversement consonne + h (jh, lh, etc., en tout pour les deux types 11 combinaisons), liquide + nasale (ln, 1ž, rm); puis des types n’existant en allemand que sporadiquement: occlusive + fricative (8 combinaisons, contre 1 seule en allem.), fricative + fricative (11 combinaisons, contre 1 en ail.), fricative + occlusive (19 combinaisons contre 2 en ail.). A la fin de mot, l’allemand n’a de plus que le tchèque que deux types, dont l’un seul est assez abondamment représenté. Ce sont les suivants: nasale + occlusive (mt, nk, etc., en tout 5 combinaisons), et liquide + nasale (lm, rm, rn).
Les différences que l’on vient de relever concernant les types Ճ deux consonnes existent encore, ‘å une échelle moindre, pour les types à trois consonnes, soit abbb et bbba. Le type abbb est sans exemple en tchèque, alors que l’allemand comporte pour ce type 12 combinaisons de consonnes. Le type bbba est représenté en tchèque par 19 combinaisons de consonnes et en allemand par deux seulement. Le tchèque a donc ici une supériorité numérique (19: 14), malgré la lacune relative au type abbb. Disons encore, pour terminer, que la faveur diverse dont témoignent l’une et l’autre langues pour les groupes de consonnes initiaux et finaux, se retrouve dans leurs particularités de morphologie et de formation des mots. En allemand, le nombre des groupes finaux s’accroît des terminaisons purement consonanti- ques, telles que -st, -t, lesquelles n’existent pas du tout en tchè - que; les groupes initiaux tchèques sont multipliés par les préfixes purement consonantiques, inconnus à leur tour de l’allemand, tels que s-, v-, z-. Une chose encore mérite attention: les types de groupes de consonnes semblent être un élément relativement stable, vis-à-vis duquel se détachent parfois longtemps les mots d’origine étrangère, par ailleurs tout à fait acclimatés dans la langue. En tchèque par exemple, parmi les groupes initiaux, on ne trouve représentés que dans les mots étrangers les groupes fl, fr, kb=gb, et är, et, parmi les groupes finaux, que cht, kt, lt, mp, pf, rb, rch, et §t. Ces groupes n’ont pas été compris dans les calculs précédents.
IX. Le tchèque offre plus de possibilités que l’allemand aussi bien dans l’application des différents phonèmes consonants ou sonants, que dans la combinaison de consonnes. Pour les types bab, abab, baba, babb et bbab, que j’ai choisis comme étant les plus caractéristiques, il y a en tchèque un total de 77.410 combinaisons possibles, alors qu’en allemand le total n’est que de 37.420, soit la moitié seulement. Mais le caractère phonologique d’une langue n’est pas déterminé seulement par la quantité des éléments phonologiques et le volume de leurs possibilités d’utilisation, mais aussi par la proportion dans laquelle il est fait usage de ces possibilités. Et, sur ce point, on peut constater une nouvelle et importante différence entre le tchèque et l’allemand: le tchèque n’utilise ses abondantes possibilités phonologiques qu’avec une intensité beaucoup moindre que ne le fait l’allemand pour les siennes. Il n’existe en tchèque, dans les mots de un à quatre sons, pour les types cités ci-dessus, sur les 77.410 possibilités, que 2417 réalisations seulement, soit environ 3,1%, alors qu’en allemand on a, pour 37.420 possibilités, 2024 réalisations, soit environ 5,4%. Même en tenant compte du fait que les formes de la flexion, comme il a été exposé en son lieu, feraient monter le nombre des réalisations davantage en tchèque qu’en allemand, la grosse différence existant entre le tchèque et l’allemand quant Ճ la proportion des réalisations par rapport au total des possibilités, ne disparaîtrait pas. C’est un fait qui concorde tout Ճ fait avec ce qui a été dit plus haut touchant l’utilisation différente, par l’une et par l’autre langues, des éléments phonologiques pour la différenciation dans la formation des mots et dans la morphologie. Le tchèque s’efforce de différencier phonologiquement les différents mots plus fortement que ne le fait l’allemand. Il s’y constitue des types bien plus nombreux et bien plus distincts de structure, alors que l’allemand se contente plutôt — au moins dans les mots de deux à quatre sons — de faire varier un seul élément dans un nombre assez restreint de types de structure. Si j’avais pu confronter avec les matériaux tchèques, outre les matériaux allemands, aussi les mots français, ce trait caractéristique du tchèque ressortirait avec encore plus de netteté.
A ce chapitre se rattache la question de l’homonymie. Il est évident qu’une langue qui s’efforce de distinguer les différents mots avec des procédés phono logiques aussi expressifs que possible ne peut pas favoriser l’homonymie, qui fait se confondre des mots différant de sens, quant Ճ la phonétique et partant quant Ճ la phonologie. Que l’homonymie soit diverse dans les différentes langues, c’est ce que montre un regard rapide jeté sur l’anglais et le français d’un cOté, et sur l’allemand d’un autre côté. Toutefois, je dois laisser l’étude de l’homonymie en tchèque pour me autre occasion.
Notes
1. Les voyelles simples a, e, i, o, u; les diphtongues ou, ej, aj, oj, uj, ij; les consonnes sonantes r, 1, m.
2. Les consonnes simples b, d, d’, f, h, X, j, k, 1, m, n, n, p, r, £, s, s, t, t, v, z, z; Tes affriquées ts, tš.
*From Travaux du Cercle Linguistique de Prague, I: 67-84 (1929).
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